Un lieu absurde

La salle 023.

Il fut un temps où nous avions cours dans cette salle. Un cours de langue des signes. Puis de littérature générale et comparée. Et d'autres. Mais peu importe. Nous détestions cette salle, peu importe le cours qui y prenait place. Les murs étaient -et sont toujours- d'un vert/bleu très froid. Pas le genre d'un turquoise comme l'eau d'un lac, éclairée d'un généreux rayon de soleil, non, une couleur terrible et vive, glaciale. C'est, par ailleurs, la seule salle de la fac à avoir cette couleur. Toutefois, la couleur glacée allait de pair avec la température ambiante, souvent diminuée de par le triste vasistas cassé qui se trouvait au plafond. Le radiateur ne fonctionnait pas. Quand nous y allions, les tables étaient arrangées en U, "pour que l'on se voient tous" selon les dires des professeurs. La vérité c'est qu'on s'en fichait pas mal, de voir nos tronches aux uns et aux autres. Si on avait pu être plus proches les uns des autres, on aurait peut-être pu se réchauffer. Et chaque semaine, nous devions refaire notre petit manège, à remettre les tables en ordre à la demande des profs, car chaque semaine, les tables se replacaient irrémédiablement en rangs basiques, comme si une présence étrange avait décidé que cette salle serait disposée d'une telle manière, et pas autrement. Cette présence ne s'est jamais manifesté pendant que nous étions dans la salle cependant.

A y avoir tellement été, avec notre petit groupe, il me semble que c'est devenu notre salle. Bien que froide, triste, et sans vie, nous y allions lorsque nous avions un moment de libre. Était-elle à notre image? Pourtant, dès que nous y étions, tout cela changeait : nous même, comme la salle, devenions chaleureux, sympathiques. Les murs comme nos sourires se déridaient, et de la chaleur apparaissait.

Puis de nouveau, un cours y prenait place. La salle ne nous manquait plus. Les murs eux-même nous donnaient froid, et l'atmosphère si particulière de cette salle nous plongeait dans une sorte de latence indescriptible. Parfois même je m'endormais 10 minutes, qui paraissaient être des heures. Cette salle semblait nous couper de l'espace temps : le temps s'y déroulait d'une manière très différente, et un micro climat typique de l'ère glaciaire y avait prit place.